Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indépendance n’a-t-elle pas grandement contribué à accélérer l’émancipation des noirs dans les Antilles ?

Dans ses mémoires, Isaac Louverture affirme avoir vu des lettres signées Dessalines qui accusaient T. Louverture d’avoir été l’instigateur de la résistance de Sylla, de la dispersion du bataillon des Gonaïves. Il rappelle à cette occasion les faveurs accordées à Dessalines par son ancien chef ; il ajoute : « Le général Dessalines qui lui devait tout, fut, sans pudeur et sans remords, son accusateur et son calomniateur. » Il dit, enfin, que Leclerc, qui lui avait montré ces lettres, le chargea d’en aviser son père, Le capitaine-général aurait alors parfaitement joué son rôle. Isaac nous paraît excusable de s’être indigné de celui que joua Dessalines ; mais nous en jugeons à un autre point de vue que le sien. À ses yeux, naturellement, T. Louverture était, un homme utile, nécessaire, indispensable à Saint-Domingue. Nous pensons tout-à-fait le contraire, comme à l’égard de Rigaud.

Boisrond Tonnerre donne une autre version que la notre, aux motifs qui portèrent Dessalines à paraître entrer dans les vues de Leclerc. Selon lui, dans l’entretien qu’ils eurent au Cap, Leclerc n’aurait point parlé de T. Louverture à Dessalines, mais bien des mulâtres qu’il désirait exterminer ; que Dessalines parut y consentir ; qu’alors Leclerc lui aurait proposé de lever une armée de 5000 hommes du pays (des noirs sans doute) pour l’exécution de leur massacre[1] et qu’il l’autoriserait à prendre

  1. B. Tonnerre prétend que Dessalines reçut de Leclerc 500 doubles louis d’or pour les frais de cette expédition ; Isaac affirme qu’il n’en reçut que 100 portugaises, outre une paire de pistolets et un sabre, mais pour le récompenser d’avoir dénoncé T. Louverture. Ces présens peuvent lui avoir été faits pour mieux le capter et le porter à servir les vues du gouvernement consulaire.