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rien. Leclerc avait raison de prendre ces précautions avec les colons de Saint-Domingue : néanmoins ils l’égarèrent.

Cette espèce de conseil colonial devait donc être composé de 22 membres, dans les trois nuances d’épidémie des habitans propriétaires. On remarquera encore cette expression, lorsqu’il fut dit que cette organisation provisoire devait avoir pour base — la liberté et l’égalité de tous les habitans. Par là, le général en chef entendait les propriétaires, et non pas les cultivateurs destinés à l’esclavage. Aussi verra-t-on bientôt qu’il ordonna leur désarmement.


Un événement eut lieu au Cap, le lendemain du jour où T. Louverture y vint faire sa soumission : le général Villatte mourut subitement. On pensa qu’il avait été empoisonné, parce qu’il ne lui fut rendu aucun des honneurs militaires dus à son grade ; mais il a pu mourir d’apoplexie. Au reste, Leclerc était conséquent : n’était-ce pas par ce général qu’on avait commencé la série des injustices contre les mulâtres ? Quand il venait de déporter Rigaud et d’autres officiers de cette couleur, pouvait-il honorer les restes mortels de Villatte ? Il achevait l’œuvre commencée par Laveaux et Sonthonax. Victime de ces derniers, Villatte a du moins trouvé la sépulture dans cette ville du Cap qu’il avait si bien défendue contre les Anglais et les Espagnols ; ses frères ont pu pleurer à ses modestes funérailles. En cela, n’a-t-il pas été plus heureux que Pinchinat, que T. Louverture lui-même, qui avait contribué à ses persécutions, et dont les cadavres ont été inhumés loin de leur sol natal, sans qu’une seule larme ait été versée sur leur fosse ?