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Je suis parfaitement d’accord avec vous sur les conséquences d’une pareille conduite, et je pense qu’elle intéresse véritablement toutes les puissances de l’Europe ; mais, avec des forces aussi considérables que celles sous les ordres de V. E., cette révolte ne peut être de longue durée, et les dévastations commises par les rebelles, en incendiant les récoltes, ne pourront produire qu’un mal temporaire.

J’ai l’honneur d’être, avec une haute considération, de V. E., le très-humble et très-obéissant serviteur,

John-Thomas Duckworth.

À bord du vaisseau de S. M. B. le Leviathan, le 19 février 1802.

Il y a quelque chose d’admirable dans la courtoisie réciproque des hommes civilisés : cette lettre en est un exemple. Mais l’amiral anglais paraît avoir été pénétré de la convenance de ce proverbe : Charité bien ordonnée commence par soi-même. Que devenaient alors les belles promesses faites par les Anglais ? « de mettre toutes les ressources de la Jamaïque, en vivres et munitions, à la disposition de l’armée française, moyennant, bien entendu, le paiement de ce qui serait fourni. » Nous les avons déjà citées, d’après M. Thiers.

La lettre de l’amiral anglais n’est-elle pas la reproduction de la réponse que fît Lord Effingham, gouverneur de cette île, à l’assemblée générale du Cap, lorsqu’elle lui demanda des secours contre les noirs insurgés en 1791 ? Elle est encore empreinte, dans son dernier paragraphe, d’une fine ironie qui rappelle aussi celle de Pitt, lorsqu’il dit, en apprenant l’incendie des sucreries de la belle plaine du Nord par ces noirs : « Il paraît que les Français prendront leur café au caramel.  »

L’arrêté de Leclerc, en mettant un droit de 20 pour cent sur l’importation des marchandises anglaises, comme sur les autres, qui n’en payaient que 10, se vengeait de l’indifférence, du manque de parole des Anglais. C’est