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lâtres des colonies fussent embarqués à bord des vaisseaux. Placide Séraphin, beau-fils de T. Louverture[1], se trouvait au collège de la Marche avec son frère utérin, Isaac Louverture, propre fils de ce général ; il fut envoyé aussi à Brest, afin d’ajouter à cette ruse de guerre par sa présence dans la flotte : cette flotte partit de Brest en janvier 1800 et relâcha à Toulon. Le 29 octobre, Placide fut promu au grade de sous-lieutenant, attaché à la légion expéditionnaire et à l’état-major du général Sahuguet ; il était encore à Toulon le 1er septembre 1801, lorsque ce général adressa une lettre au ministre de la marine au sujet de ce jeune homme qu’il renvoyait à Paris, d’après ses ordres : nouvel indice qu’alors l’expédition contre Saint-Domingue était résolue, même avant que la constitution de T. Louverture parvînt en France par les Etats-Unis. En effet, Placide et Isaac devaient en faire partie. Ces deux frères et M. Coisnon, leur précepteur, furent présentés au Premier Consul qui les accueillit avec bienveillance et leur annonça qu’ils iraient à Saint-Domingue, et qu’ils y précéderaient l’arrivée de la flotte[2]. Le lendemain de cette présentation, ils dînèrent chez le ministre de la marine, l’amiral Decrès, dont ils reçurent

  1. Placide était fils d’un mulâtre nommé Séraphin, et par conséquent griffe, selon le vocabulaire colonial. Madame Louverture l’avait eu avant son mariage, et son mari adopta cet enfant, qu’il chérissait comme son propre fils.
  2. Le Premier Consul dit à Isaac : « Votre père est un grand homme ; il a rendu des services éminens à la France. Vous lui direz que moi, premier magistrat du peuple français, je lui promets protection, gloire et honneur. Ne croyez pas que la France ait l’intention de porter la guerre à Saint-Domingue : l’armée qu’elle y envoie est destinée, non à combattre les troupes du pays, mais à augmenter leurs forces. Voici le général Leclerc, mon beau-frère, que j’ai nommé capitaine-général, et qui commandera cette armée. Des ordres sont donnés afin que vous soyez quinze jours d’avance à Saint-Domingue, pour annoncer à votre père la venue de l’expédition. » — Extrait des Mémoires d’Isaac Louverture.