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exposées à Leclerc par la tourbe des colons et Rochambeau, le désir qu’il avait de porter T. Louverture, Dessalines et les autres généraux qui résistaient, à se soumettre à son autorité, entra pour beaucoup dans sa résolution. Ce serait une excuse qu’on pourrait donner à la déportation de Rigaud, pour atténuer la faute politique commise par Leclerc, si d’ailleurs ses instructions secrètes n’avaient pas prescrit cette mesure, non-seulement par rapport à Rigaud, mais à l’égard de tous les autres officiers venus avec lui de France.

Quoi qu’il en soit, étant à Saint-Marc, Leclerc manda Rigaud, et lui dit, avec cette perfidie caractéristique de presque tous les actes de cette époque : « Général, je vais faire une tournée dans le Sud, vous viendrez avec moi. »

Plein de confiance et de joie, en pensant qu’il allait revoir son lieu natal, cette ville des Cayes, berceau de son enfance, ce département du Sud où il avait donné à la France tant de gages d’un dévouement inaltérable, Rigaud s’empressa d’expédier un de ses aides de camp au Cap pour en aviser sa femme, qu’il espérait y amener aussi avec ses enfans : car il devait croire que le but final de ce voyage était de l’employer dans le Sud.

Deux frégates se trouvaient sur la rade de Saint-Marc, la Guerrière et la Cornélie. Leclerc s’embarqua sur la première pour se rendre au Port-au-Prince. Rigaud passa sur l’autre, après avoir serré la main aux officiers du Sud qui se trouvaient à Saint-Marc, et qui l’accompagnèrent au rivage. Mais, à son grand étonnement, tandis que la Guerrière faisait voile pour le golfe de l’Ouest, la Cornélie mettait cap au Nord. Il demande au capitaine du navire l’explication de cette manœuvre, et celui-ci lui