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percés du coup qu’ils voulaient leur épargner et qui les avait atteints ; on reconnaissait aussi de jeunes femmes massacrées en serrant dans leurs bras leurs pères ou leurs époux ; les amis et les familles pouvaient se distinguer, ils se tenaient par la main ; plusieurs d’entre eux étaient morts en s’embrassant, et la mort avait respecté leur attitude. »

Nous nous associons de cœur à l’horreur que dut inspirer à ce général français, la vue de tant de victimes tombées sous les coups d’une vengeance barbare : son récit est fait pour indigner tout homme qui sent qu’il doit aimer ses semblables et s’apitoyer sur leur sort. Mais nous espérons aussi que, lorsque nous arriverons aux actes affreux commis sur les noirs et les mulâtres, que l’on combattait en ce moment pour les réduire à l’état humiliant de la servitude, nous trouverons également dans le même livre le récit de ces atrocités ; et si notre espoir est déçu, nous dirons alors : — Le général Pamphile de Lacroix ne fut pas un auteur impartial.

Le 10 mars, dans la nuit, la division Boudet passa l’Artibonite au gué qui se trouve en face de l’habitation Labadie, située sur la rive droite, au pied du morne de Plassac, jadis le lieu de rassemblement des affranchis réclamant leurs droits politiques. Un chemin part de-là et conduit à la Petite-Rivière, en passant au nord et tout près de la Crête-à-Pierrot. La 13e demi-brigade était placée à la tête de la division qui allait droit à ce fort : dans la nuit, des grenadiers de ce corps se plaignirent de cette disposition qui les exposait au premier feu de l’ennemi, — de leurs frères qu’ils allaient combattre. Mais Pétion, leur colonel, ayant entendu ces plaintes, prononça ces paroles que P. de Lacroix dit avoir entendues : « Misérables !