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Dans la nuit du 17 au 18 juin, ces trois officiers marchèrent avec les troupes du Pont, et au jour ils attaquèrent le fort du Petit-Goave qu’ils enlevèrent après une vigoureuse résistance de la 11e. Le général Laplume s’y était rendu, dès la première attaque : il y fut fait prisonnier. Mais son attachement bien connu pour les hommes de couleur, et la conduite toute fraternelle qu’il avait tenue envers eux dans son commandement, portèrent l’un d’eux, officier parmi les assaillans, à faciliter son évasion[1]. Dans ce moment, ce fut peut-être une faute politique dictée par le sentiment ; car Laplume, prisonnier, eût pu passer aux yeux de l’armée du général en chef, comme s’étant laissé prendre parce qu’il désapprouvait secrètement celui-ci, et cette opinion eût été d’un effet immense sur l’esprit des chefs et des soldats, sur l’esprit public dans toute la colonie. Laplume se sauva enfin dans un canot qu’il trouva près du fort et se fit porter à Léogane.

Pendant le combat, le bataillon de la 8e resta l’arme au bras : il était commandé par Maçon, homme de couleur. Cette conduite, contraire à son devoir militaire, prouve que son colonel Christophe Mornet avait gagné son corps à la cause de Rigaud : elle les perdit tous deux. Maçon aurait dû rester alors parmi les vainqueurs du fort ; mais il fit sortir son bataillon avec celui de la 11e : cette troupe se retira au Grand-Goave.

Faubert livra la ville du Petit-Goave au pillage de ses soldats. C’était agir encore plus mal que de violer ses ins-

  1. M. Saint-Rémy dit que ce fut Léger, M. Madiou prétend que c’est Eloy Boudeau. L’un et l’autre étaient mulâtres. — Le capitaine Segrettier, adjoint à l’adjudant-général Pétion, était venu avec Laplume : fait prisonnier en même temps, il resta parmi les vainqueurs.