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occupait le fort situé près du rivage de la mer, à l’entrée de la ville, du côté de la route du Sud.

Jean-Pierre Delva était alors commandant de la garde nationale du Petit-Goave. C’était un noir d’une ancienne et honorable famille d’affranchis, homme distingué et éclairé, qui partageait les craintes de toute la classe de couleur, à laquelle il appartenait, à l’égard des tendances du général en chef. Apprenant l’occupation du Port-au-Prince par Dessalines, et jugeant bien de la situation qui ne permettait plus de douter que le Sud ne fût bientôt attaqué, il se transporta au Pont-de-Miragoane et communiqua sa pensée à Faubert et Renaud Desruisseaux ; il leur fit savoir qu’il y avait peu de troupes au Petit-Goave[1].

Ces trois officiers, pensant que la guerre était inévitable, et qu’un premier succès dans les troubles civils détermine bien des convictions, se crurent suffisamment autorisés, par les circonstances, à reprendre le Petit-Goave et même le Grand-Goave, s’il était possible, puisque l’abandon volontaire de ces deux places par Rigaud n’avait pas empêché les préparatifs de guerre du général en chef. Les actes publiés par l’un et l’autre les fortifièrent dans ces idées.

Certes, Faubert, commandant en chef du camp formé au Pont, était celui des trois officiers sur qui la responsabilité d’une telle résolution devait peser ; mais Faubert, ancien lieutenant de Rigaud au camp Prou, en novembre 1790, son compagnon d’infortune dans les prisons du Port-au-Prince, son ami dévoué, était aussi une de ces natures belliqueuses qui ne raisonnent pas froidement en présence d’un ennemi menaçant : il passa outre les instructions qu’il avait reçues de Rigaud.

  1. Vie de Toussaint Louverture par M. Saint-Rémy, page 232, d’après une déclaration de Gronier, commissaire des guerres au Petit-Goave.