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de T. Louverture que sa neutralité favorisa, ni celle de Rigaud qu’elle perdit. Et cependant, elle ne fut pas occasionnée par de mauvais sentimens pour ses frères en général : ce fat le résultat d’une erreur de jugement, d’une fausse appréciation de la situation des choses et de la conduite qu’il devait tenir.

Toutefois, nous devons dire ici qu’une tradition rapporte, qu’après le discours tenu par T. Louverture à l’église du Port-au-Prince, Bauvais songea à se déclarer contre lui, et qu’il s’entendit avec Christophe Mornet, colonel de la 8e demi-brigade et commandant de l’arrondissement, pour gagner son corps et se prononcer au moment qui leur paraîtrait convenable. Cet officier avait fait la campagne de Savannah avec Bauvais et Rigaud ; il était dans les mêmes rangs qu’eux pendant leur lutte contre les colons, à Saint-Marc, où nous l’avons vu figurer honorablement en 1793, adoptant la liberté générale : cette confraternité d’armes et politique le rendait partisan de la cause que soutenait Rigaud, quoiqu’il eût servi dans l’Artibonite sous les ordres de T. Louverture, dans la guerre contre les Anglais. Il avait été dévoué au général en chef, jusqu’au moment où il le vit se jeter dans les bras des colons et des émigrés, paraissant s’allier avec les ennemis qu’ils avaient glorieusement combattus. Cette tradition peut donc être fondée ; mais ni Bauvais, ni Christophe Mornet ne surent agir avec résolution.