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sur toute la portion de la colonie où commandait Toussaint Louverture[1]. » Ce fut la conspiration des vœux légitimes que faisaient les honnêtes gens, pour celui des deux rivaux qui leur semblait plus favorable au bonheur de la population noire, plus dans le droit d’une défense dictée par la raison : il suffisait d’être soupçonné d’en former, pour se voir arrêté par ordre de ce pouvoir farouche. Les hommes les plus marquans dans la classe des anciens libres, ceux qui s’étaient mis en évidence depuis 1790, dans la lutte contre le système colonial, furent supposés devoir désirer le triomphe de Rigaud ; et les colons les désignèrent à leur aveugle instrument : aveugle, quoique fort éclairé, en ce qu’il diminua ses forces pour le jour où il dut lutter à son tour contre ces mêmes colons, appuyés des baïonnettes françaises.

Tandis que la guerre allait commencer, le général Bauvais continua sa funeste neutralité à Jacmel. Même en ce moment si pénible, il ne crut pas devoir se prononcer ni pour T. Louverture ni pour Rigaud ! Et il s’agissait de l’avenir de sa race tout entière !

Dans les troubles civils, un homme comme Bauvais, ayant de tels antécédens, s’expose toujours ou à la haine ou au mépris des combattans, en voulant rester neutre entre les deux partis qui se querellent : ils lui supposent naturellement le dessein perfide de profiter de leur ruine, s’ils succombent. Décidez-vous donc pour celui en qui vous reconnaissez plus de droit et de raison ; car ils sont vos frères !

Par sa conduite timorée, Bauvais ne conserva ni l’estime

  1. Mémoires, etc., t. l er, p. 377. De qui cet auteur a-t-il pu apprendre ce prétendu complot, si ce n’est des colons blancs intéressés à accuser Rigaud ?