Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cratie dans l’intérêt de tous, ou l’aristocratie dans l’intérêt d’un petit nombre de privilégiés. Le Directoire exécutif, par ses agens, favorisa, excita cette guerre dans l’intérêt de la race blanche, privilégiée exclusivement dans l’ancien régime, selon les vues constantes de la faction coloniale. En abattant, en détruisant l’influence des anciens libres, en les faisant désigner aux poignards dès 1796, c’était pour se ménager le moyen de réagir contre les noirs nouveaux libres, devenus les instrumens de cette perverse politique. 1802 a bien prouvé ce plan longuement médité !

Cette guerre fratricide ne fut le résultat d’aucune antipathie entre le noir et le mulâtre ; car, bien que T. Louverture ait fait à Rigaud, le reproche de ne pas vouloir lui obéir parce qu’il était noir, il savait le contraire, puisque Rigaud lui avait déjà obéi : adroit, habile hypocrite, il n’employa cette formule que pour passionner les masses en sa faveur, que comme moyen politique. Et la preuve, c’est que bientôt nous prouverons qu’il sévit avec autant de rigueur, autant d’atrocité, contre des noirs anciens libres, même contre des noirs nouveaux libres, que contre des mulâtres ; c’est que dans les rangs des deux armées figuraient noirs et mulâtres combattant les uns contre les autres, et jouissant respectivement de la confiance des deux chefs.

Même dans ce système de reproche fait à Rigaud par T. Louverture, on peut considérer cette guerre comme occasionnée par des principes ; car le général en chef prétendait soutenir ceux de la subordination militaire contre Rigaud, qu’il accusait de les violer.

Vainement nous objectera-t-on qu’il y eut plus de mulâtres sacrifiés par ordre de T. Louverture, qu’il suffisait