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Mais, sur ces entrefaites, des lettres du gouvernement parviennent à T. Louverture ; elles approuvent sa conduite à l’égard d’Hédouville. Qu’elles aient été le résultat de son impuissance ou de son machiavélisme, elles existent néanmoins. Roume n’a pu ignorer ces lettres : ni lui ni le général en chef n’en donnent connaissance à Rigaud, pour le sommer à l’obéissance absolue aux ordres de ce dernier, ni aux autres généraux et fonctionnaires publics. On l’endort ainsi dans une fausse sécurité, pendant que l’agent souscrit à un arrangement commercial avec les États-Unis. Cet arrangement n’a qu’un motif d’utilité publique pour toute la colonie, et l’on voit Rigaud, confiant, s’abandonnant à l’espérance, transmettre à Roume son hommage aux vertus et à la prévoyance du général en chef.

Cependant, cet arrangement commercial est suivi d’un autre, tenu secret, auquel l’agent ne prend aucune part apparente, entre T. Louverture et Maitland, général anglais. Personne ne connaît le but de ces conférences secrètes, et l’agent de la France ne s’y oppose pas, ne donne aucun avertissement aux citoyens à ce sujet. Et c’est immédiatement après ce nouvel arrangement, que Rigaud reçoit du général en chef sa lettre insultante, qui le menace de toute sa colère, qui le blesse cruellement dans son honneur !

Rigaud écrit à Roume, le 31 mai, pour se plaindre de ces injures imméritées. Eh bien ! ce même jour, Roume fait publier[1], par la voie de l’impression, la lettre du 27 avril qu’il lui avait adressée, — dans le but de prouver sa propre modération et les prétendus torts de Rigaud envers le général en chef, après avoir donné ses ordres à ce

  1. Histoire d’Haïti par M. Madiou, t. 1er, p, 331.