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pédition l’aveu mentionné dans sa note et résultant de la confidence du général Leclerc ; il est clair que les Mémoires de Sainte-Hélène ne disent pas toute la vérité sur cette question, et que les assertions de MM. Bignon et Thiers tombent devant les instructions verbales et formelles données au chef de l’expédition. Aussi M. Lepelletier de Saint-Rémy ajoute-t-il dans la même page de son livre :

« Le secret fut d’abord absolu, et le leurre des proclamations du Consul acheva l’œuvre si vigoureusement ébauchée par nos soldats. Mais on devint moins circonspect à mesure qu’approchait le moment d’exécuter les ordres de la métropole. Le chef du gouvernement, en apprenant la résistance meurtrière opposée à l’armée expéditionnaire, ne put lui-même contenir l’explosion du mépris haineux qu’il portait à la race noire. Les paroles violentes qu’il jeta au négrophile Grégoire[1], et le décret consulaire qui rétablissait l’esclavage à la Guadeloupe, révélèrent sa pensée à l’Europe, tandis que, entraînés par cet exemple, les familiers du général Leclerc ne gardaient aucune mesure. »

Veut-on une confirmation des assertions fondées de cet auteur ? C’est Thibaudeau qui nous la fournira dans son Histoire du consulat et de l’empire. Il dit que, lorsqu’il s’agissait d’instituer à Paris des chambres d’agriculture pour représenter les colonies et faire connaître leurs besoins à la métropole, cette question fut portée au conseil d’État où l’ancien ministre Truguet, l’un de ses membres, fit des objections contre cette institution. Le Premier Consul, impatienté de ses raisonnemens, dit avec chaleur :

  1. « D’après ce qui se passe à Saint-Domingue, je voudrais que les Amis des noirs eussent, dans toute l’Europe, la tête voilée d’un crêpe funèbre. »