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de la part d’un tribunal présidé par le général Pageot. Mais T. Louverture, en se montrant mécontentée ce jugement, en le cassant, aura encore violé les lois qu’il avait lui-même édictées, promulguées : c’était à un conseil de révision à prononcer la cassation de cet acte, et il en avait établi pour la réforme des jugemens des conseils de guerre. En cassant le jugement lui-même, en formant un nouveau conseil spécial, même alors qu’il ne l’aura pas présidé, il lui dicta réellement la condamnation à mort qui s’en suivit contre l’accusé ; car un tel acte de sa volonté arbitraire indiquait ce qu’il désirait, et les juges ne pouvaient qu’obéir à cette injonction sanguinaire, par la terreur qu’il exerçait sur toutes les âmes. Lui seul est donc responsable de ce jugement injuste !

À notre avis, devant l’histoire qui relate les faits, devant la postérité qui les juge, T. Louverture fut le seul auteur de la mort de Moïse. On doit en charger sa mémoire.

Et croit-on qu’il se soit arrêté à cette action odieuse, croit-on qu’il en ait éprouvé des remords, et qu’il aura voulu laisser penser aux hommes de son temps, que cette condamnation à la peine capitale contre Moïse fut jugée juste par le conseil de guerre ?

Après avoir assouvi sa rage contre son neveu, il accusa encore cette victime de sa politique inhumaine : c’est ce que l’on va voir par la proclamation suivante. Quelle que soit sa longueur, nous la donnons sans en rien omettre, parce qu’elle résume, à nos yeux, tout le système politique de T. Louverture, et que l’accusant nous-même, nous croyons de notre devoir de le laisser présenter les motifs qui le guidèrent dans l’administration de son pays. C’est exercer la justice envers lui, que d’offrir au lecteur l’excuse qu’il donnait à ses actes.