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oncle vendît les terres de l’État aux officiers subalternes et même aux soldats. Toussaint, au contraire, ne voulait pas du morcellement des terres (son arrêté du 7 février en fait foi) et continuait le système des grandes habitations. Il avait, prétendait-on, le projet de se faire proclamer Roi de Saint-Domingue, et les trésors qu’il amassait devaient être employés à l’exécution de son plan… Moïse protégeait les cultivateurs contre les vexations des blancs, et faisait distribuer rigoureusement aux premiers, le quart qui leur revenait dans les produits. Aussi était-il l’objet de toutes sortes de plaintes : on l’accusait de négliger ses devoirs et de souffrir que le désordre régnât dans les campagnes. Quand il recevait des reproches du gouverneur, il disait : — « Je ne maltraiterai jamais les miens. Le gouverneur me parle toujours des intérêts de la France ; mais ces intérêts sont ceux des colons blancs.  » — Il ne sympathisait pas avec le système en vigueur qui éloignait des fonctions publiques les hommes de couleur éclairés. Il avait cru découvrir que le but de son oncle était de rétablir l’esclavage dans les campagnes, et de créer une aristocratie noire et blanche. Cette disposition de la constitution par laquelle des Africains pouvaient être transportés à Saint-Domingue comme cultivateurs, le confirmait dans cette opinion ; c’était une masse nouvelle, qui, n’ayant pas connu la liberté, l’aurait éteinte… Toussaint voulait devenir indépendant, par l’union du noir avec le colon blanc, tandis que Moïse s’efforçait de le devenir par l’union du noir avec le jaune. En 1803, Dessalines ne délivrera le pays du joug de l’étranger, qu’en réunissant contre les Français le nègre et le mulâtre. Néanmoins, le général Moïse se trompait sur les véritables intentions de Toussaint Louverture, qui ne rêva jamais au rétablisse-