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elle alors en France, auprès du gouvernement consulaire ? Nous en parlerons bientôt. En attendant, voyons ce que dit M. Madiou :

« Les officiers noirs qui l’entouraient (le gouverneur) voyaient avec douleur combien il se plaçait sous l’influence des colons, autrefois ses maîtres et secrètement ses plus cruels ennemis. Les généraux Dessalines et Moïse surtout se plaignaient de cette tendance vers l’ancien régime, le premier sourdement, le second ouvertement [1]. »

Moïse n’avait donc pas des vues si bornées, quand, dans la querelle de son oncle avec Rigaud, il pressentait le funeste résultat qu’elle produirait ? Et comment M. Madiou a-t-il pu ajouter, quelques pages plus loin :

« Cette terreur qui régnait partout s’était évanouie … mais le pouvoir le plus absolu se faisait partout sentir ; le cultivateur était assujéti à un travail forcé, et le blanc, soutenu de la forte autorité du gouverneur, occupait toujours le premier rang … Un homme de cœur, mais d’intelligence sans culture, va bientôt rompre l’harmonie qui existait déjà entre toutes les classes de la société … Dans le département du Nord, l’agriculture, sous la direction du général Moïse n’était pas aussi florissante que dans l’Ouest et dans le Sud, sous la direction de Dessalines. Moïse se refusait à employer les moyens violens pour contraindre les cultivateurs au travail. Il disait qu’il n’était pas le bourreau des siens, que les noirs n’avaient pas conquis leur liberté pour exploiter encore, sous la verge et le bâton, les propriétés des blancs. Il demandait que le gouverneur son

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p, 103.