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les préjugés guéris et les passions calmées, semblaient avoir marqué comme l’instant propice où il fallait en poser les fondemens ?

Il est des circonstances qui ne se présentent qu’une seule fois pendant une longue série de siècles, pour fixer la destinée des peuples ; si on les laisse échapper, elles ne se retrouvent plus. Et à ces causes fondamentales qui faisaient seules la nécessité d’une constitution pour l’île de Saint-Domingue, combien, d’après les intérêts de ses habitans intimement liés à ceux de la métropole, se joignaient des motifs également puissans ?

Les justes réclamations des départemens de la colonie, pour rapprocher les tribunaux des justiciables ;

La nécessité d’introduire de nouveaux cultivateurs pour l’accroissement des cultures, la revivification du commerce et le rétablissement des manufactures[1] ;

L’utilité de cimenter l’union de la ci-devant partie espagnole avec l’ancienne partie française ;

L’impossibilité pour la métropole de secourir et d’alimenter cette immense colonie pendant la guerre avec les puissances maritimes ;

Le besoin d’établir un régime simple et uniforme dans l’administration des finances de la colonie et d’en réformer les abus ;

L’obligation de tranquilliser les propriétaires absens sur leurs propriétés ;

Et enfin, l’importance de consolider et de rendre stable la paix intérieure, d’augmenter la prospérité dont commence à jouir la colonie après les orages qui l’ont agitée, de faire connaître à chacun ses droits et ses devoirs, et d’éteindre toutes les méfiances en présentant un code de lois auquel viendront se lier toutes les affections, se réunir tous les intérêts.

Tels ont été les motifs qui ont décidé le général en chef à convoquer une assemblée législative, chargée de proposer au gouvernement français la constitution la plus convenable à la colonie de Saint-Domingue. Ainsi, cet ouvrage sera encore un de ses bienfaits.

Le peu de membres dont il a formé cette assemblée prouve qu’il a

  1. Ainsi voilà fort bien expliqué le motif du projet qu’avait T. Louverture d’introduire des noirs d’Afrique ; et quand il aura dit à un colon, selon Pamphile de Lacroix, que c’était pour en faire des soldats pour la France, il en imposait ; si, toutefois, ce n’est pas un conte fabriqué par ce colon. Voyez Mémoires, t. 2, p. 57.