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étouffer successivement tous les germes de discorde, du sein de l’anarchie préparer sa restauration, faire succéder l’abondance à la misère l’amour du travail et de la paix à la guerre et au vagabondage, la sécurité à la terreur, et enfin, la soumettre tout entièrement à l’empire français.

La révolution avait renversé avec violence tout ce qui constituait le régime par lequel l’île de Saint-Domingue était anciennement administrée.

Les différentes assemblées législatives de France y avaient substitué, à diverses époques, des lois nouvelles ; mais l’incohérence de ces lois aussitôt rapportées que rendues, leur vice ou leur insuffisance reconnus par ceux-là mêmes qui en avaient été les auteurs, la manière dont elles étaient exécutées par des factieux et des hommes de partis, habiles à les interpréter suivant leurs intérêts, contribuaient plutôt à propager le désordre qu’à le comprimer.

Et la conséquence naturelle de cet ordre de choses avait été de faire regarder des lois, qui n’auraient dû être reçues qu’avec un sentiment de respect, comme des objets d’alarmes, ou, lorsqu’elles étaient impuissantes, comme des objets de mépris.

Les hommes sages qui ont coopéré à la constitution française de l’an 8, ont sans doute senti la nécessité d’adopter un nouveau système pour des colonies éloignées, et de consulter dans la création des lois qui doivent les régir, les mœurs, les usages, les habitudes, les besoins des Français qui les habitent, même les circonstances dans lesquelles elles se trouvent.

Serait-il facile, en effet, de peser toutes ces considérations, d’après des rapports souvent infidèles, d’apprécier à une aussi grande distance, les changemens opérés dans l’esprit d’un peuple, de connaître ses maux, et d’y porter des remèdes à propos et efficaces, surtout pendant la guerre ?

L’article 91 de la constitution française aurait pu seul autoriser les habitans de la colonie française de Saint-Domingue à présenter au gouvernement français, les lois qui doivent les régir, si l’expérience du passé ne leur en avait fait un devoir impérieux[1].

Et quel moment plus propre à choisir pour cet important ouvrage, que celui où le chaos débrouillé, l’ancien édifice déblayé de ses ruines,

  1. Le passé des colons qui avaient tenté de constituer Saint-Domingue, en dépit de la France.