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sorte justifiés, parce que T. Louverture les jugea nécessaires. Par la même raison (nous sommes forcé d’anticiper sur les événemens pour comparer), les crimes commis par Rochambeau, après la défection de Pétion et des autres, se trouveraient aussi justifiés.

Nous ne concevons pas cette manière de relater les faits historiques ; car, à nos yeux, que ce soit un noir, ou un blanc, ou un mulâtre qui commette un crime, nous l’appelons crime : nous l’imputons à lui seul.

Mais enfin, T. Louverture s’amenda. M. Madiou dit de lui :

« Voyant tous ses projets se réaliser, et voulant se créer des amis, même parmi les vaincus, il jeta un regard de compassion sur les hommes de couleur Rigaudins et se résolut à leur pardonner. Le 28 mai, il réunit dans l’église du Cap tous les mulâtres qui, depuis la chute de Rigaud, languissaient dans les prisons, ou marchaient à la suite des troupes, en guenilles, et exposés à toutes sortes de mauvais traitemens. Il monta en chaire et leur dit : « Je vous pardonne généreusement, je vous donne des consolations ; soyez pleins de courage, et retournez en paix au sein de vos familles. » Toussaint, croyant n’avoir plus rien à redouter d’un parti qui avait été presque exterminé, se montrait généreux… Il fit connaître à Dessalines, par une lettre en date du 31 mai, la décision qu’il venait de prendre relativement aux Rigaudins, et lui recommanda de les laisser se rendre dans leurs familles. «… Quant à moi (dit-il), je les regarde comme des frères et comme mes enfans… Qu’ils pratiquent surtout la religion, en élevant leurs enfans dans la crainte de Dieu » Il faut avoir été dans une position semblable à celle de ces infortunés, ayant chaque jour la mort sous