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taillon qui les en fit sortir ; une cinquantaine d’entre ces hommes grossièrement ignorans tombèrent au pouvoir de la troupe qui les baïonnetta[1].

Leur audace à se montrer ouvertement en contravention à l’ordonnance précitée, paraît avoir été concertée avec une incursion faite en même temps par Lamour Dérance dont nous avons déjà parlé. Cet africain, ancien esclave de l’habitation Dérance, située dans la montagne de la Selle, était lui-même un grand sectateur du fétichisme de son pays natal. Il s’était dévoué à Bauvais, à la cause de Rigaud ; il était attaché aux hommes de couleur. Retiré dans les montagnes de Bahoruco, il avait remplacé Mainzelle, (autre africain, devenu commandant à l’Anse-à-Veau) comme chef de ces indépendans sauvages. Il les réunit et vint s’emparer du bourg de Marigot, dans l’arrondissement de Jacmel que commandait Dieudonné Jambon : des soldats de la légion de l’Ouest tenaient garnison à Marigot. Soit qu’il leur répugnât de combattre avec vigueur, ce chef qui avait été dans la même cause qu’eux, soit qu’ils dussent céder au nombre, on leur imputa à crime, ou du moins à leurs officiers, hommes de couleur, l’enlèvement de ce bourg. Dieudonné Jambon marcha d’abord contre Lamour Dérance, lui reprit Marigot et le refoula dans les montagnes.

Dans cet intervalle, Dessalines avait passé par ces montagnes pour venir se joindre à Dieudonné Jambon. Arrivé à Jacmel, il fit fusiller quatre officiers de couleur de la

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 91. M. Madiou affirme que T. Louverture détestait les Vaudoux, parce qu’il prétendait n’être devenu nasillard que par des maléfices qu’ils avaient lancés sur lui. Il était trop éclairé pour le croire ; mais, s’il a dit cela, c’était pour justifier ses rigueurs contre eus, aux yeux de ta multitude ignorante. Au dire de Kerverseau, il passait lui-même pour un Macandal dans l’esprit de bien des ignorans du Nord.