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de sympathies pour la cause de Rigaud, comme nous l’a appris Kerverseau, dont le témoignage a été cité au 4e livre, alors c’est autre chose : il n’y avait pas de garantie réelle[1].

Ce qu’il y eut de singulier alors, c’est que, dans le moment même où T. Louverture créait des conseils de guerre pour juger les vols (et ce qui, peut-être, fut le motif secret de son arrêté), un vol domestique fut commis dans son propre palais, à son préjudice.

Une femme, nommée Victoire, avait toute sa confiance ; elle était dépositaire des clés de ses armoires : dans l’une se trouvaient des sommes d’argent et des papiers importans, des papiers d’État. Victoire eut la faiblesse d’ouvrir cette armoire à un cousin du général en chef et son aide de camp, nommé Hilarion : celui-ci enleva frauduleusement un sac contenant une somme assez forte. Nous ignorons comment le vol fut découvert ; mais Victoire en avoua toutes les circonstances à T. Louverture, qui fit arrêter les deux auteurs du vol et les livra au jugement d’un conseil de guerre. Il partit aussitôt pour l’Arcahaie, voulant faire penser qu’il laissait toute la liberté possible aux juges. Le conseil les condamna à la réclusion, sans doute en vertu des dispositions pénales du code des délits et des peines alors en vigueur, et parce qu’aussi, pour entraîner la peine de mort contre les délinquans, la loi du 29 nivôse an vi disposait que cette peine ne serait appliquée, dans les cas de vols commis dans une maison habitée, que lorsqu’il y aurait eu effraction extérieure ou escalade.

  1. La loi du 29 nivôse an 6 n’attribuait la connaissance de ces crimes aux conseils de guerre, que lorsqu’il y avait plus de deux personnes prévenues du même fait. L’arrêté ne fit point cette distinction, — un seul individu prévenu en était justiciable, militaire ou particulier. Environ un mois après, des tribunaux spéciaux furent aussi établis en France, pour juger des vols et autres crimes commis sur les grandes routes.