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Les colons comprirent tellement que les mesures prises par le règlement du 12 octobre étaient dans leur intérêt, qu’aussitôt sa publication au Port-au-Prince, ils se montrèrent plus arrogans envers les noirs : des propos furent tenus par eux, et nécessitèrent une ordonnance du général en chef, qui fut vivement contrarié de ce qu’il considérait comme une imprudence de ses amis : il leur donna un avertissement, afin de ne pas compromettre l’œuvre qu’il voulait accomplir. Voici cette ordonnance rendue le 14 octobre.


À tous les citoyens de Saint-Domingue.
Citoyens,

Voulant prendre des mesures sages et justes pour policer le peuple de Saint-Domingue, en le ramenant à ses devoirs et empêcher par là le vagabondage et le libertinage, auxquels l’homme est malheureusement trop enclin, alors qu’il n’est pas retenu par une police sévère : voulant aussi faire connaître à tous les citoyens indistinctement, qu’ils doivent se rendre utiles à la République, par un état qui puisse assurer leur bonheur et procurer au besoin des secours à l’État ;

Je suis instruit cependant que des dispositions si utiles, en même temps qu’elles tendent à la tranquillité publique, sont interprétées par plusieurs mal-intentionnés de toutes couleurs, — et particulièrement par des habitans et d’anciens propriétaires, — en disant aux cultivateurs et cultivatrices : « Vous dites que vous êtes libres ! Néanmoins, vous allez être forcés de rentrer chez moi ; et là, je vous mènerai comme anciennement, et vous ferai voir que vous n’êtes pas libres.  »

Considérant que des propos de cette nature ne peuvent que retarder la restauration de Saint-Domingue, que nuire à la tranquillité publique, que perpétuer l’anarchie et occasionner les plus grands maux, alors que tout le monde devrait se restreindre à ses devoirs, ne point se mêler des mesures sages que prend le gouvernement, que pour jouir paisiblement de leurs heureux résultats, lorsqu’elles ne tendent surtout qu’au bonheur de tous, en instruisant chaque individu de ses droits, et en même temps des devoirs qu’ils lui imposent ;