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même de pouvoir donner, et je vous aurai une reconnaissance éternelle de m’accorder la faveur que je vous demande (sa démission) ; et je vous prie de me continuer vos bontés et votre estime. »

On a dit, et Kerverseau le soutient dans son rapport, que Roume était placé absolument sous l’influence, sous la domination de T. Louverture. S’il en était ainsi, n’eût-il pas accepté la démission demandée trois fois par Rigaud ? Car, le général en chef ne pouvait que désirer qu’il fût annulé ou qu’il s’éloignât de la colonie. S’il est vrai qu’il avait promis le commandement du Sud à Bauvais, même le commandement en chef de l’armée pour l’avenir, il pouvait, il devait profiter de cette demande réitérée de Rigaud, pour déterminer Roume à l’accepter. On ne peut pas admettre que T. Louverture désirât la guerre avec Rigaud plutôt que sa démission. En refusant cette démission, Roume était donc parfaitement libre : il obéissait à ses instructions secrètes[1]. Voyons comment il formula sa réponse à Rigaud. Le même jour, 6 février, il lui écrit enfin :

« C’est au moment même que je viens d’achever le brouillon d’un arrêté, que je crois essentiel au salut de votre pays, et par lequel arrêté vous serez chargé d’une confiance si authentique et si glorieuse, que ce seul acte, fait au nom du gouvernement national, doit vous consoler et vous venger, citoyen général, de toutes les intrigues de vos envieux, et de tous les mensonges de vos calomnia-

  1. Il était aussi libre qu’Hédouville, quand celui-ci refusa la démission de Rigaud ; et Hédouville avait obéi comme lui à ses instructions secrètes. Dans une de ses lettres à T. Louverture, Hédouville lui disait aussi : « Votre retraite ne sera pas acceptée, etc. » On conçoit fort bien pourquoi on maintenait l’un et l’autre à leur poste.