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vât ses préparatifs de départ, comme il l’avait annoncé, comme il y était résolu. Si Rigaud fit quelques dispositions de défense aux Cayes, ce n’est pas qu’il fût de mauvaise foi, comme l’en accuse M. Madiou, d’après Pamphile de Lacroix. Les négociations résultantes de l’envoi respectif des députations, impliquaient suspension d’hostilités entre les deux armées ; et cependant, Dessalines avançait toujours contre les Cayes : en admettant que ce ne fut pas par l’ordre de T. Louverture, si capable lui-même de mauvaise foi le fait existait de la part de son lieutenant. Est-ce que, dans une telle occurence, un chef militaire ne doit pas prendre des précautions ? L’injonction faite par Rigaud à Vincent et ses collègues, selon M. Madiou[1], était dans son droit, puisque par le fait on violait les négociations pendantes entre lui et le général en chef.

Mais alors, chacun étant pénétré de l’inutilité de toute défense, de toute résistance, Rigaud dut songer à son salut, à celui de sa famille, de ses principaux officiers. Il était évident que T. Louverture manœuvrait de manière à les envelopper tous aux Cayes, à les y prendre, sauf ensuite à les accuser d’être de mauvaise foi, à les faire fusiller. Cette pratique lui était trop familière, pour qu’on dût avoir confiance en un caractère aussi hypocrite.


Rigaud prit donc le parti de sortir des Cayes avec sa famille ; et ses principaux officiers le suivirent. Le 28 juillet, Dessalines était à 3 lieues de cette ville, tandis que deux frégates et trois goélettes des États-Unis en bloquaient le port. Les fugitifs prirent la route de Tiburon. Avant de partir, Rigaud fit ses adieux à ses amis.

  1. Histoire d’Haïti, t. 2. p. 58.