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T. Louverture, par rapport à la partie espagnole ? En débarquant à Santo-Domingo, n’avait-il pas entendu A. Chanlatte et Don Garcia à ce sujet ? Il est donc probable que son prompt retour aura été motivé sur ces diverses circonstances. Et d’ailleurs, est-il sensé de croire qu’un général français, envoyé par le Premier Consul pour rester à Saint-Domingue, se fût permis de retourner si vite, si telles n’étaient pas ses instructions ? M. Madiou le représente comme effrayé de menaces d’assassinat ou de déportation. Nous n’admettons pas une telle version à l’égard d’un militaire qui savait en quelles mains les destinées de la France étaient remises.

Quant à J. Raymond, il ne pouvait être un personnage bien redoutable pour T. Louverture : les précédens de ce mulâtre, qui s’était fait renvoyer dans la colonie pour exploiter de nouveau quelques sucreries à son profit, le rendaient plutôt un être nul et passif. En trouvant les rangs de ses frères clair-semés par les assassinats, il devenait forcément plus soumis que jamais au général en chef.

Restait le colonel Vincent, ami de T. Louverture, disposé à lui donner tous les conseils propres à le rattacher à la France ; mais incapable néanmoins d’obtenir de lui quoi que ce soit qui n’entrât pas dans ses idées. Ce fut celui qui resta auprès de T. Louverture dans l’Ouest. Il paraît que ce dernier se plaignit à lui, et peut-être aussi aux deux autres personnages, de ce que le Premier Consul ne lui eût pas écrit : « Il savait, dit-il à Vincent, qu’on avait juré sa perte en France, et que, sans le 18 brumaire, il était perdu. Le Premier Consul a-t-il confiance en moi, ajouta-t-il[1] ? »

  1. Lettre du colonel Vincent au ministre de la marine, du 26 juin, citée par M. Saint-Rémy, page 293.