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donnait, dans l’intérêt de sa gloire. Il termina sa lettre aux citoyens des Cayes, en leur disant :

« D’après l’humanité qui est toujours mon guide, et la lettre du ministre, je vous proteste que j’ai tout oublié et que je vous pardonne. Je vous tends les bras ; si vous résistez encore à ma voix, ce n’est plus ma faute. Réponse de suite : — Oui ou non [1]. »

Cependant, la dépêche du ministre de la marine contenait une phrase qu’il se garda bien de faire connaître aux citoyens du Sud : « Rappelez-vous, lui disait le ministre, que les armes qui vous sont confiées, doivent être exclusivement employées contre l’ennemi étranger, contre l’Anglais. [2] »

En rapprochant ce passage de celui de la proclamation des consuls où ils disaient aux citoyens de la colonie : « S’il en est (des hommes) qui conservent des relations avec les puissances ennemies », — on comprend pourquoi celle du général en chef, du 20 juin, fut si modérée : il voulait prouver que dans sa querelle avec Rigaud, les torts n’étaient pas de son côté. Cependant, cette précaution était inutile ; car, évidemment, aux yeux du Premier Consul, le plus grand tort de T. Louverture était dans ses relations avec les Anglais, et non pas dans la guerre qu’il faisait à Rigaud. La preuve de notre assertion est dans le silence gardé envers ce dernier ; on ne daigna pas lui adresser une lettre, même pour lui ordonner de quitter la colonie, tandis qu’en confirmant T. Louverture dans son grade de général en chef, on lui enjoignait d’employer tous les moyens en son pouvoir pour terminer la guerre civile. On augmentait ainsi ses moyens d’action, déjà très-grands. À

  1. Extrait du Moniteur universel, du 25 vendémiaire an 9 (17 octobre 1800.)
  2. Vie de Toussaint Louverture, p. 293.