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Ceux qui tombèrent au pouvoir de Dessalines furent la plupart incorporés dans ses troupes ; il savait apprécier le courage, même dans un ennemi : les femmes furent traitées avec humanité. Dessalines agit de même envers les habitans restés dans la ville. Mais les malheureux qui furent pris par les troupes de H. Christophe furent tous égorgés ou jetés vivans dans un puits profond de l’habitation Ogé, qu’il fit combler de fascines auxquelles on mit le feu. En 1812, dans la guerre civile entre lui et Pétion, ce barbare commit un pareil acte de cruauté sur des soldats blessés, faits prisonniers par ses troupes : il fit dresser un vaste bûcher sur lequel on plaça ces hommes qui furent brûlés vivans.


Jacmel étant tombé au pouvoir de T. Louverture, il était évident que le Sud serait infailliblement vaincu. Si le siège de cette ville fît honneur au vainqueur, par les moyens énergiques employés à cet effet, il ne fit pas moins d’honneur aux vaincus par leur résistance héroïque. On ne peut qu’admirer le courage de ces soldats dont pas un ne songea à une capitulation ; la bravoure de ces officiers de tous grades qui, abandonnés par leurs chefs, restèrent à leur poste pour continuer la défense ; le généreux dévouement de Pétion qui s’offrit lui-même à aller leur prêter son concours, son intrépidité à traverser les lignes ennemies pour ramener le reste de cette valeureuse garnison dans l’armée du Sud. Pétion justifia alors la haute opinion qu’on avait déjà conçue de ses talens militaires et de tout ce qui constitue un guerrier. Dessalines qui lui était opposé, eut dès-lors pour lui la plus grande estime, car il savait reconnaître le vrai courage. Ce sentiment servit à les rapprocher un jour l’un de l’autre, pour arriver à d’autres destinées.