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vainqueur dans cette lutte, il eût été obligé de le combattre pour contenir le débordement de ses passions ; si l’autre triomphait de son rival, Bauvais eût été témoin de la chute des principes républicains à Saint-Domingue, du triomphe du parti colonial et de l’avilissèment de sa caste[1]. »

Mais, si telles étaient les pensées qui dominaient Bauvais, ne devaient-elles pas, au contraire, lui inspirer une énergie à la hauteur de toutes ces difficultés ? Pourquoi donc avait-il accepté sa position politique, pour faillir au moment suprême ? Si la conviction de ses principes républicains le portait à voir en T. Louverture, un antagoniste de ces principes qui étaient alors ceux de la France qu’il aimait ; s’il voyait en lui un partisan de la faction coloniale visant à l’avilissement de sa caste, c’étaient autant de raisons qui devaient le porter à s’unir à Rigaud qui pensait comme lui, sauf à le combattre ensuite pour arrêter ses passions désordonnées. Il est vrai que M. Madiou accuse son tempérament de n’avoir pas eu assez d’énergie pour dominer toutes ces difficultés : là est son excuse, car il n’est pas donné à l’homme de surmonter sa nature.

Cet auteur dit encore que « Bauvais était dégoûté de-

  1. Histoire d’Haïti, t. 2, p. 10.

    J’atteste sur mon honneur, que j’ai lu aux archives du ministère de la marine, une lettre de Bauvais à Roume, du 10 juillet, où il lui fait savoir qu’il a envoyé à Rigaud, les exemplaires de la proclamation du 3, rendue par Roume, qui les lui expédia dans ce but. Bauvais, en le complimentant sur cet acte, lui dit cependant qu’il se trompait sur le compte de Rigaud ; que ce dernier n’était point mu par l’ambition ; que sa conduite résultait de ce que T. Louverture n’avait aucune confiance en lui, qu’il avait des soupçons injustes contre Rigaud, de même que contre lui, Bauvais. Celui-ci profita de l’occasion pour renouveler sa demande de démission.

    Ainsi, il est constant par cette lettre, que Bauvais resta jusqu’à la fin, l’ami de Rigaud, qu’il ne lui reprochait pas ce qu’avancent les assertions de M. Madiou.