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geances, en réduisant promptement Rigaud ? Mais, il ne se repent pas de sa neutralité funeste ; il s’excuse même aux yeux des officiers, d’avoir fait des préparatifs de défense, en leur rappelant qu’il n’a agi ainsi qu’à leurs pressantes sollicitations. Il se voit accusé d’être chef de révoltés, par un agent dont il respecte l’autorité ; mais, en donnant tant de conseils à ces officiers, leur dit-il de se soumettre à cette autorité ? Ne sont-ils pas ces révoltés dont parle Roume ?

Et il abandonne ces braves soldats qui comptaient sur son courage et son expérience militaire ; il abandonne toute cette population qu’il devrait défendre ; il abandonne sa femme et ses enfans, ces êtres si chers, alors qu’il ne peut douter que l’ennemi va arriver sous les murs de Jacmel ! Il les abandonne, en disant à ces officiers que c’est le moment pour eux de se signaler tous dans la protection due aux personnes et aux propriétés ! Et c’est le brave et honnête Bauvais qui agit ainsi ! C’est le premier général de la classe des anciens libres qui méconnaît ainsi son véritable devoir envers ses frères, sa race, son pays !…

Que lui importaient donc, à ce moment décisif, cette République française dont il invoquait le nom, ce Directoire exécutif qui faisait semer la division par tous ses agens, l’un après l’autre ? L’avenir de sa race à Saint-Domingue, ne devait-il pas seul préoccuper Bauvais, pour le porter à affronter les balles de T. Louverture, complice du Directoire, de son agent, des colons et des émigrés ? Loin de là, il quitte le poste de l’honneur et du devoir en se trompant sur ce qu’ils exigent de lui ; il fuit clandestinement, en avouant avec naïveté à ses officiers qu’il a craint qu’ils contrariassent ses vues, qu’ils le contraignissent à garder son commandement ! Cette idée seule n’au-