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par la fortune, par le courage et la valeur de ses troupes, et il s’arrête au milieu de ses succès éclatans ; — l’autre, qui a gardé volontairement une déplorable neutralité entre eux, qui l’a vu rompre par son lieutenant, qui a fait tous ses préparatifs de défense, abandonne son poste au moment où il lui faut combattre, parce qu’un agent, complice de son adversaire, lui adresse une lettre où il est traité de chef de révoltés, d’ex-général !

Dans notre troisième livre, nous avons supposé Hédouville débarqué aux Cayes et agissant contre T. Louverture, et nous avons admis que ce dernier eût été vaincu. Mais aurait-il tenu compte des actes de cet agent ? Il eût remué ciel et terre pour lui résister, comme il a fait en 1802 à l’égard de Leclerc.

T. Louverture avait donc une capacité politique incontestable. Pourquoi cet homme de notre race nous a-t-il donné le droit de l’accuser de cruauté, et de tous les vices qui en sont le cortège ou qui l’engendre ?


Au premier paragraphe de sa lettre aux officiers supérieurs de Jacmel, Bauvais s’avoue coupable ; il ne veut pas l’être davantage et il redoute de nouvelles disgrâces. Et de quoi donc était-il coupable, sinon de son inconcevable neutralité ? Il était convaincu de l’horrible complot ourdi pour détruire les hommes de couleur ; il était certain que l’envahissement de son arrondissement se faisait par les ordres de T. Louverture, que les massacres exécutés étaient ordonnés par lui, et il avait gardé sa neutralité sans vouloir se joindre à Rigaud ! Dès le jour du discours à l’église du Port-au-Prince, n’aurait-il pas dû se prononcer pour lui, afin de défendre ses frères, — ou pour T. Louverture, afin de désarmer sa colère, d’arrêter ses ven-