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Sur ces entrefaites, Laplume fit arrêter Boyer, qui fut mis en prison, quand les troupes du Nord arrivèrent à Léogane. Pétion ne voulut pas quitter cette ville pendant sa détention : c’eût été le perdre, on l’aurait tué. Ne pouvant le protéger auprès de Laplume, il parla et fît parler par d’autres amis de Boyer, à des officiers noirs d’un régiment du Nord (nous ignorons lequel) qui s’intéressèrent à lui et obtinrent son élargissement de Laplume[1]. Ce général, en le mettant en liberté, lui dit qu’il ne servirait plus auprès de Pétion, et lui donna l’ordre d’aller dans un poste, hors de Léogane, où il fut employé dans la troupe de ligne. Cette décision de Laplume prouve qu’il suspectait les sentimens de fidélité de Pétion, comme ceux de Boyer : ils étaient d’anciens révolutionnaires de la même bannière que Rigaud et Sauvais ; cela suffisait. Alors Pétion fit savoir à Boyer, dans son cantonnement, qu’il ne tarderait pas à passer auprès des troupes du Sud.

La confusion régnait dans les troupes nombreuses qui étaient à Léogane et qui allaient bientôt combattre au Grand Goave : on était arrivé aux premiers jours de juillet. À ce moment, Pétion reçut l’ordre de Laplume de se mettre en route avec l’armée en marche : ce fut pour lui l’occasion favorable : il en donna avis à Boyer qui vint le joindre. Ses fonctions d’adjudant-général lui donnaient le droit de visiter les postes, les avant-postes, de s’assurer même de la position des sentinelles. Pendant la nuit, profitant d’une forte pluie qui avait arrêté la marche des troupes, il monta à cheval avec Boyer, eut l’air de visiter les avant-postes,

  1. Ce fait pourrait expliquer la magnanimité que montra Boyer dans le Nord, en 1820, si d’ailleurs ses sentimens comme homme, Haïtien et Chef de l’Etat, ne l’y portaient pas. Il se montra aussi reconnaissant envers ses frères du Nord, qu’il le fut ensuite envers J. Boyé qui lui avait sauvé la vie au Cap, en 1803.