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entre Rigaud et l’agent, il avait inhumainement ordonné d’assassiner, près de Mont-Rouis, les officiers Dauzy, Cyprès et Camus, qui revenaient des Cayes. Cet assassinat était d’autant plus odieux, qu’en les arrêtant, on pouvait les dépouiller des dépêches dont ils étaient porteurs. Officiers subordonnés, ils remplissaient leur devoir, ils étaient placés sous la sauvegarde de l’honneur militaire : ils ne devaient pas périr[1] !

Voulant contraindre Rigaud à s’expliquer, à se prononcer, T. Louverture lui écrivit une lettre où il lui annonçait le départ d’Hédouville, l’événement du Fort-Liberté, en accusant cet agent d’être l’ennemi de la liberté générale des noirs. Il ne se borna pas à cela : il accusa Rigaud aussi de participation aux projets de l’agent contre les noirs. C’était son thème favori, pour pouvoir exciter les passions de la multitude.

Conçoit-on une telle accusation contre Rigaud, qui avait été le premier à affranchir 700 noirs dans le Sud d’un seul coup, de la part du chef qui, en ce temps-là, servait la cause des Rois contre la liberté, qui refusa de passer au service de la France lors de la déclaration de la liberté générale par les commissaires civils, qui ne s’y rallia que pour sa sûreté personnelle ?

Le 27 octobre (Hédouville était encore dans la rade du Cap), Rigaud répondit à la lettre du général en chef : « Je crains que ce ne soient les émigrés qui sèment la méfiance entre les premières autorités de la colonie. Je vous

  1. Cet assassinat fut exécuté par un détachement commandé par le chef de bataillon Gabart.

    Le ministre de la marine ayant écrit à T. Louverture pour lui demander si les auteurs de cet affreux assassinat avaient été punis, le 23 mars 1799, il lui répondit simplement que ces officiers avaient péri dans une embûche.