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faut qu’il trouve dans ses productions les moyens de s’alimenter, dans son énergie et dans son courage, ceux de repousser ses ennemis. Tout peuple qui n’est pas essentiellement agricole et guerrier ne peut conserver son indépendance. Or, si l’on considère le climat heureux et les riches productions de nos colonies, on jugera que les hommes qui les habitent ne peuvent être ni l’un ni l’autre… Un tel peuple doit donc borner ses vœux à être sagement et paisiblement gouverné par des hommes humains et justes, ennemis de la tyrannie.

« Nos colonies américaines, affranchies des liens qui les unissent à la France, seraient d’abord la conquête de quelque brigand audacieux qui, sous le nom de liberté, leur préparerait de nouvelles chaînes. Elles se diviseraient ensuite en de petits états tributaires les uns des autres, lesquels redeviendraient bientôt la conquête de celle des puissances de la terre, dont la marine serait la plus active… Si l’indépendance absolue a dû se naturaliser en Amérique, ce n’a pu être que dans son continent. La nature avait promis la liberté au Nord de cet hémisphère, et elle lui a tenu parole. Mais comment les habitans des Antilles pourraient-ils éviter l’envahissement de quelque puissance que ce fût, sans fer, sans marine, sans troupes organisées ? Il est aisé de supposer, au contraire, que celle de qui la marine serait la plus nombreuse et la plus exercée, celle dont la position géographique la rapprocherait le plus de ces contrées, l’emporterait nécessairement sur toutes les autres, et que la France, par exemple, ne pouvant rivaliser à cet égard ni avec l’Angleterre en Europe, ni avec les États-Unis, en Amérique, serait forcée d’abdiquer en leur faveur tous les avantages qu’elle peut retirer d’un ordre de choses mieux établi.