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cette occasion : « L’affranchissement des nègres était prononcé à Saint-Domingue, depuis l’instant de leur révolte en 1791… C’est du gouvernement d’un seul, depuis 1790, que sont découlés tous les maux. On nous dira : mais la liberté générale était inévitable d’après les principes de la France. On peut répondre que les principes de la constitution monarchique n’allaient pas si loin ; que cependant on s’y est opposé dans la colonie même, et que ce sont ceux-là même qui s’y sont opposés, qui ont provoqué la liberté générale, en la rendant plus funeste qu’elle n’eût été, par la révolte impolitique à laquelle ils ont donné les mains, et dont est résultée la nécessité de l’exécution des principes de la France, principes auxquels elle ne peut plus se permettre de déroger. »

Il n’est pas moins curieux de lire ce qui suit, extrait d’un écrit de Page, publié au mois de mars 1793, alors que lui et Brulley entravaient l’envoi à Saint-Domingue du décret du 5 du même mois, par lequel les commissaires civils étaient autorisés à modifier le régime des ateliers d’esclaves. Page y dit :

« La convention nationale a consacré la liberté, l’égalité des hommes.

Les hommes des colonies diffèrent entre eux par leurs formes ; mais ils naissent tous libres et égaux en droits.

La convention ne peut s’occuper de la législation des colonies, sans s’occuper des hommes qui les habitent.

Elle ne peut sans crime consacrer leur esclavage.

Elle ne peut même décréter leur affranchissement graduel ; car alors elle consacrerait implicitement ou explicitement l’esclavage… »