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pour les provinces de l’Ouest et du Sud, s’étant réfugiés aux Cayes depuis la prise de cette première ville par les Anglais, crurent à la possibilité d’y siéger pour administrer la justice. Un blanc nommé Domergue en était le président, et Pinchinat le commissaire du pouvoir exécutif. Blanchet aîné s’opposa à la tenue du conseil supérieur, en sa qualité de délégué civil ; cette opposition occasionna une altercation entre lui et Domergue, et notre délégué fit tout bonnement mettre en prison le magistrat. Domergue et Pinchinat s’en plaignirent au gouverneur général Laveaux, en lui demandant de vouloir bien désigner, nommer des membres pour remplacer ceux qui étaient restés au Port-au-Prince. Mais Laveaux n’en fit rien. Il n’existait plus de conseil supérieur de justice au Cap ; il n’était pas juste d’en établir un aux Cayes.

Quand nous considérons les lumières qui distinguaient Blanchet aîné, nous sommes porté à croire que Rigaud n’a pas été étranger à l’acte despotique de cet homme. Rigaud ne devait pas, plus que Laveaux, vouloir d’une cour de justice. Quoiqu’il en soit, ce fait de Blanchet aîné, sans pouvoir réel, sert à prouver que tous les hommes se ressemblent, quand il s’agit d’une autorité qu’ils croient devoir exercer. Ainsi, T. Louverture, dont nous venons de parler, n’était pas le seul dans la colonie qui fût jaloux de son pouvoir et de celui des autres. Villatte, comme lui, a pu avoir de pareils sentimens. Tous les chefs militaires de cette époque, à peu près comme toujours, revendiquaient l’omnipotence de l’autorité.

Dans le même temps, T. Louverture fit sentir à Laveaux la nécessité d’une organisation dans les troupes placées sous son commandement. Jusque-là, elles formaient de simples bataillons, des compagnies détachées, sans liaison.