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tout aux officiers. Pétion partageait le mécontentement de la légion de l’Ouest, et exerçait une grande influence sur tous ces jeunes hommes ; ayant une humeur portée à la gaîté malgré son esprit méditatif, il saisit cette circonstance pour faire niche à Bauvais : il les excita à s’opposer à l’envoi des fonds, et poussa Borgella surtout à se faire le chef de cette cabale[1]. Bauvais dénonça le fait à l’agence et désigna Borgella comme ayant tout dirigé. L’agence ordonna de le punir, et Bauvais y mit de la passion, à raison de ce qui s’était déjà passé à l’occasion de la marche contre Léogane : ce fut un nouveau motif pour Borgella d’être mécontent de ce général.

Une autre circonstance vint ajouter aux griefs du corps des dragons contre Bauvais. Il avait un frère nommé Benjamin, qui, lors de la prise du Port-au-Prince par les Anglais, y était resté avec eux au lieu de suivre la légion de l’Ouest : il était revenu ensuite à Léogane. Une place de lieutenant vint à vaquer dans la compagnie dont David-Troy était le sous-lieutenant, et elle lui revenait de droit. David-Troy était un officier de mérite, excellent citoyen, qui avait beaucoup aidé Bauvais, par son courage, à se retirer du Mirebalais, en janvier 1794, en présence des Espagnols. Bauvais, poussé au népotisme, nomma son frère Benjamin à cette place de lieutenant. Borgella était l’intime ami de David-Troy : chef du corps des dragons, il assembla ses officiers, et ils adressèrent collectivement une lettre à Bauvais, où leurs réclamations étaient exprimées avec amertume. Mais Bauvais, irrité, ne persista pas moins dans sa résolution de maintenir son frère dans cette

  1. Ce fait d’opposition à l’envoi des trois cent mille francs est mentionné dans le rapport de Marec.