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dirent avec tant d’énergie, qui recueillirent tant de gloire, Rigaud les estimait, — comme on estime les Russes qui brûlèrent leur vieille capitale pour sauver l’indépendance de leur pays, — comme on estime les Espagnols qui maintinrent leur nationalité par leur courage.

Rigaud a prouvé qu’il n’était point jaloux de la promotion de T. Louverture au grade de général de division, au rang de général en chef, en prenant envers lui l’initiative d’une correspondance intime, en obéissant constamment à ses ordres jusqu’au départ d’Hédouville. Nous examinerons plus tard ce qui s’est passé entre eux après cet événement.

Cela posé, détruisons d’autres erreurs. Pamphile de Lacroix a fait faire à Rigaud, un premier voyage au Cap en compagnie de T. Louverture, peu après l’arrivée d’Hédouville. Nous avons prouvé que T. Louverture se rendit d’abord seul au Cap, et ensuite qu’il y fut avec Rigaud, quatre mois après l’arrivée de l’agent. Mais cet auteur dit encore :

« Le général Hédouville, ne sachant comment mettre un terme aux contrariétés qu’il éprouvait (de la part du général en chef), prit le parti, pour ne pas irriter les soupçons de T. Louverture, de l’appeler au Cap avec le général Rigaud, sous prétexte d’avoir des instructions nouvelles à leur communiquer[1]. »

Et à ce sujet, cet auteur cite, avec la plus grande crédulité, un monologue qui aurait été tenu par T. Louverture au passage de Rigaud au Port-au-Prince : d’où il résulte que ce dernier aurait été une seconde fois au Cap. Ce monologue, dit-il, il le tient d’un créole (un colon) digne

  1. Mémoires, t. 1er, p. 352.