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gouverneur général, T. Louverture disait vous. Son républicanisme était réservé.

La franchise toute militaire de Villatte paraît dans sa lettre. Il était subordonné à Laveaux ; il commandait une grande ville et ses dépendances ; il rendait exactement compte au gouverneur général de ses opérations ; il lui demande ses ordres, et celui-ci ne répond à rien. N’a-t-il pas raison de se plaindre à lui-même de ce silence obstiné, lorsqu’il sait que Laveaux entretient une correspondance suivie avec des inférieurs qui lui rendent compte de tout ce qui se passe au Cap ? Etait-ce là le devoir d’un chef supérieur ? Quelles pouvaient être ses raisons ? Il va nous les apprendre.

« Depuis longtemps, dit-il, Villatte et ses amis ourdissaient des intrigues contre moi, d’accord avec la municipalité. On courait des bruits sur moi, en disant que je voulais passer aux Anglais avec Pageot, etc. »

Pauvres motifs ! car à son voyage récent au Cap, il a dit lui-même que Villatte était en mésintelligence avec la municipalité : comment alors se seraient-ils entendus depuis longtemps pour le calomnier ?

Ces préventions n’ont fait que s’enraciner de plus en plus dans son esprit. En effet, en parlant de son retour au Port-de-Paix, il dit : « qu’à la date du 9 janvier, il fut averti que le mulâtre Chevalier, commandant à Terre-Neuve, devait ouvrir chez lui une réunion de chefs militaires des paroisses, à l’effet de former une assemblée coloniale ; qu’il en avisa T. Louverture qui lui répondit de se tenir tranquille, que le coup venait du Cap. » Quelles que fussent les intrigues existantes au Cap, il n’y a nulle apparence que Chevalier ni aucun des autres chefs militaires, à cette époque, voulussent créer