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des lettres pleines de fermeté de la part de l’agent qui lui reprocha de n’avoir pas fait intervenir son autorité, contre une cabale du 5e régiment qui s’opposa à l’envoi de quelques approvisionnerons au Cap ; il finit par le menacer de la destitution, parce que Moïse opposait à son tour une force d’inertie qui décelait une résolution arrêtée d’avance. Le 9 octobre, Moïse se plaignit du colonel Grandet, commandant à Monte-Christ, qui avait fait faire des patrouilles dans l’arrondissement du Fort-Liberté, à l’effet d’arrêter des noirs espagnols fugitifs, pour les rendre à leurs anciens maîtres ; et là-dessus, Moïse déclama contre ceux qui violaient la liberté des noirs qu’on voulait rétablir dans l’esclavage.

D’après cette disposition d’esprit de Moïse, il s’ensuivit nécessairement une attitude menaçante de la part du 5e régiment qu’il avait commandé comme colonel ; des propos furent naturellement tenus contre les blancs : de là l’idée que leur massacre était résolu au Fort-Liberté.

Le rapport en fut fait à Hédouville, par le colonel Dalban, commandant de la place, par le colonel Grandet qui vint lui-même au Cap, et par les autorités civiles presque toutes composées de blancs. Ces deux officiers étaient blancs aussi.

Nous croyons que tous ces propos contre les blancs étaient un acheminement à l’embarquement d’Hédouville, médité par T. Louverture. C’étaient les mêmes manœuvres que pour celui de Sonthonax, desquelles Moïse avait été le moteur d’après les ordres de son oncle.

Hédouville se décida donc, le 15 octobre, à envoyer tous les pouvoirs civils et militaires au citoyen Manigat, juge de paix au Fort-Liberté, homme noir d’une ancienne famille d’affranchis, respectable par ses qualités person-