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dans cette carrière, il pouvait l’être de ce dernier qui venait d’ajouter quelques faits nouveaux à ses faits antérieurs. L’idée qu’il conçut de l’accompagner au Cap, indique la précaution de l’homme politique qui voulait voir par ses yeux ; lui refuser l’avantage de voir Hédouville aurait été de mauvais goût ; c’eût été déceler ses craintes, et il était trop adroit pour commettre une telle faute.

Quoi qu’il en soit, ils partirent ensemble dans la même voiture, et se rendirent au Cap le 20 juillet.

Que se dit-il entre eux pendant ce voyage, que se promirent-ils l’un à l’autre ? On l’ignore positivement, car ni l’un ni l’autre ne l’ont publié.

Toutefois, les traditions du pays prétendent que T. Louverture prit l’initiative envers Rigaud, pour l’engager à se méfier d’Hédouville et à se communiquer mutuellement ce qu’il pourrait leur dire en particulier ; et que Rigaud le lui promit.

Le désir qu’avait T. Louverture, de rester chef supérieur de la colonie ; son caractère essentiellement méfiant ; le mécontentement secret qu’il éprouvait déjà, depuis son retour du Cap (il l’a avoué dans la partie de son rapport au Directoire exécutif, citée plus avant) ; le tort qu’il devait se sentir intérieurement envers ce gouvernement, pour avoir contraint Sonthonax à s’embarquer, et quelles que fussent les raisons qui l’y avaient déterminé : tout concourt à donner créance à ces traditions.

T. Louverture dut penser que Rigaud lui-même ne pouvait qu’être prévenu contre Hédouville et le but de sa mission, puisqu’après tous les actes de l’agence contre lui, le Directoire exécutif l’avait mis hors la loi, en donnant l’ordre à son agent de le déporter s’il le jugeait convenable ; il dut d’autant plus croire à ses préventions,