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Ces divers faits indiquent que l’orage commençait gronder.

On a vu que Rigaud avait été élu député au Corps législatif, dans les assemblées tenues en avril, pendant qu’Hédouville était à Santo-Domingo. Roume avait annoncé l’arrivée de cet agent à Bauvais, et dans sa lettre il disait quelques mots flatteurs pour Rigaud. Bauvais s’empressa d’en envoyer copie à son ami, et le 28 avril Rigaud écrivit à Roume pour le remercier de ces paroles et lui apprendre sa nomination de député ; il ajoutait :

« J’attends les ordres du général Hédouville auxquels je me conformerai exactement. Je me rendrai auprès de lui au Cap, et de là en France, s’il me l’ordonne et qu’il le juge convenable. Il me verra, il me connaîtra et il jugera entre moi et mes calomniateurs. Je désire depuis longtemps me rendre en France ; mais si je puis être utile ici et que le général Hédouville croie que je mérite sa confiance, je sacrifierai tout pour lui prouver mon entier dévouement à ses ordres pour la chose publique. »

On a vu aussi qu’Hédouville n’adressa aucune lettre à Rigaud Jusqu’au moment de la mission de Blanchet auprès de T. Louverture, dans les premiers jours de juin. Roume n’avait pas dû manquer de lui envoyer copie de la lettre de Rigaud ; Bourne se décida lui-même alors à répondre à cette lettre, le 14 juin ; il dit à Rigaud : « Qu’il s’était fait un devoir, afin de conserver le droit de le défendre, d’interrompre toute communication avec lui depuis deux ans. Ce temps qui, j’ose le croire, vous a paru bien long, l’était encore beaucoup plus pour moi ; car c’était moi qui avais l’air de vous trahir… J’apprendrai vos succès avec d’autant plus de plaisir, que je les ai prédits au Directoire et à son agent. »