Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conçoit pas les motifs qui ont pu le porter à abandonner une seconde fois le Cap, où, par sa présence, il aurait pu déjouer les intrigues incessantes de ceux dont il se plaignait, Pageot eût suffi à garder le Port-de-Paix, Jean-Rabel et Bombarde étant des postes avancés contre les Anglais renfermés au Môle.


Peu de temps après la prise de Léogane par Rigaud, Jacmel se vit menacé par les émigrés et les Anglais qui étaient à Saltrou. Bauvais, informé qu’ils attendaient des renforts dans ce but, dirigea ses forces contre eux : il reçut quelques troupes de Rigaud et deux bâtimens de guerre qui l’aidèrent à s’emparer de ce canton. Les émigrés furent presque tous faits prisonniers : tombés au pouvoir de Bauvais, ils furent traités avec cette humanité qui honorait son caractère, et à laquelle, du reste, ils avaient quelque droit comme prisonniers. Jacmel et tout le quartier environnant furent dès-lors à l’abri des insultes de l’ennemi.

Dans les premiers jours de décembre, Rigaud partit des Cayes à la tête d’une armée qu’il dirigea contre Tiburon. Cette place était bien fortifiée et défendue par 450 hommes, sous les ordres du lieutenant-colonel Bradfordet de Sevré, chevalier de Saint-Louis[1]. Vigoureusement attaquée et défendue, elle tomba au pouvoir de Rigaud qui montra en cette occasion sa valeur accoutumée. Dartiguenave, Faubert, Polycarpe, Lapoty, Gilles Bénech et toute cette armée se distinguèrent également par leur bravoure. De nombreux prisonniers anglais restèrent entre leurs mains ;

  1. Sevré avait trahi la cause française en livrant aux Anglais le poste de l’IIet-à-Pierre-Joseph qu’il commandait : ce qui facilita alors la prise de Tiburon par les Anglais, le 2 février 1794.