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embellir avec des promesses séduisantes, menteuses, et remplies d’artifices, et par lesquelles vous faites connaître l’indigne idée que vous avez de mon caractère et de mon procédé. Mon parti est pris, et je suis inébranlable ; une fois déterminé, je vivrai, je mourrai dans la belle cause que j’ai adoptée. Et sans tâcher de faire l’apologie de messieurs les Espagnols, je pourrai vous prouver que je n’ai que des louanges à faire d’eux, les ayant trouvés toujours fidèles et religieux observateurs dans toutes leurs promesses.

Quoique je pourrais bien répondre à tous les chapitres de votre lettre, je les omets, parce qu’ils sont presque tous décaillés dans un manifeste que j’ai fait circuler à mes compatriotes, dans lequel je leur fais connaître, sans artifice, le sort qui les attend, s’ils se laissent séduire par vos belles paroles d’égalité et liberté, etc. etc. Et seulement j’augmente à celui-là, que jusqu’à ce que je vois Monsieur Laveaux et d’autres messieurs français de sa qualité, accordent leurs filles en mariage aux nègres, alors je pourrai croire à l'égalité prétendue.

Il ne me reste plus, Monsieur le général, que de vous demander la grâce de m’envoyer cette lettre de Monsieur le Président (Don Garcia) que vous citez dans d’autres écrits qui sont entre mes mains, dans laquelle il vous promet ma tête pour la rançon de tous les prisonniers espagnols ; et vous prier de faire la guerre en respectant le droit des gens, et cette générosité observée anciennement par les nobles guerriers français dont vous trouverez bien des exemples dans vos illustres ancêtres, et de vous instruire que jamais la trahison et la perfidie ne seront le partage du général Jean François.

Je suis sans réserve,
Jean François, général de S. M. C.

Lefèvre, aide de camp général.


Cette lettre, copiée textuellement, prouve que le principal objet de Jean François, en faisant des ouvertures à Villatte, était d’avoir l’assurance de la conservation de son grade de général. Certes, c’était la moindre des choses auxquelles il pouvait prétendre en se soumettant à la France. Il relève avec raison le mépris que semblait faire de lui le gouverneur Laveaux, en ne lui donnant aucun titre, parce qu’il sentait qu’il était de l’intérêt de celui-ci,