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fectivement grand pouvoir aux chefs militaires sur les populations, outre celui que leur conféraient les nécessités de la guerre contre les Anglais. Et pour le dire en passant, la délégation déraisonnait, elle était injuste à l’égard des chefs militaires du Sud et de l’Ouest, lorsqu’elle portait contre eux tant d’accusations : outre qu’il n’en avait jamais été autrement, dans l’ancien régime même où il n’existait point de municipalités, où les majors, les officiers militaires dirigeaient toutes les affaires des paroisses ; mais les deux proclamations citées de Sonthonax et de Polvérel leur attribuaient la plus grande part dans le pouvoir signalé par la délégation ; en ce temps-là, il en était de même sous les yeux de l’agence.

Il n’est donc pas étonnant que T. Louverture ait continué ce système, après le départ de Sonthonax. Il l’a été encore sous les divers gouvernemens qui lui ont succédé, notamment sous Dessalines et H. Christophe. Et quand Pétion prit la résolution de morceler les grandes habitations rurales, de vendre les propriétés des villes, c’était autant pour donner le bien-être aux individus, que pour diminuer sensiblement le pouvoir des chefs militaires ; car la petite propriété fit des cultivateurs (des noirs des campagnes), autant de citoyens soumis à la loi, tandis qu’auparavant ils étaient en quelque sorte traités comme des bêtes de somme, à l’usage des officiers militaires, fermiers des habitations du domaine public. Lorsque nous arriverons à son époque, nous démontrerons de nouveau cette vérité ; nous prouverons comment son système politique a été favorable à la liberté des masses.


On a vu que Sonthonax, dans son discours au conseil des Cinq-Cents, a accusé T. Louverture d’être placé sous