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l’ignorance, il présuma trop de son savoir : il fit des fautes, et c’était inévitable.

Pour avoir ardemment servi la cause des hommes de couleur libres, mulâtres et noirs, contre les colons, il s’est cru en droit d’exiger d’eux tous, de comprendre leurs devoirs envers les noirs esclaves dont il proclama les droits à la liberté ; et de ce qu’un trop grand nombre parmi eux trahit ces devoirs, il se prévint, injustement, contre la généralité de cette classe. De ces préventions malheureuses, il passa à l’idée de favoriser plus spécialement les colons dont il venait d’anéantir la puissance : de là les méfiances de la classe de couleur contre lui, méfiances injustes lorsqu’elle crut qu’il voulait aussi donner la prépondérance absolue aux nouveaux émancipés. L’affaire de Montbrun et de Desfourneaux vint mettre le comble à ces méfiances réciproques. Alors Sonthonax tourna entièrement le dos à la classe de couleur.

Parti pour la France, ayant à se défendre des accusations des colons, pour avoir beaucoup favorisé les deux branches de la race noire, il se défendit habilement et les défendit chaleureusement. Mais alors une réaction s’opérait dans l’opinion publique en France, contre les droits acquis à la race noire : on s’aperçut que la trahison des colons ayant livré la colonie à la Grande-Bretagne, la France ne pouvant secourir cette possession, la force des choses amenait naturellement au pouvoir militaire les hommes distingués par leurs lumières dans les deux branches de la race jadis opprimée, et conséquemment le remplacement de ceux de la race blanche, même dans le pouvoir politique. De là, ce funeste système imaginé powr enrayer le cours des choses ; et comme les hommes de couleur, par leur instruction plus avancée, devaient néces-