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tôt J. Raymond, et Pascal, secrétaire général de l’agence, qui, à titre d’allié à la famille de Raymond, exerçait une très-grande influence sur son esprit. Il leur communiqua sa résolution à laquelle ils adhérèrent sans peine, puisque déjà c’était une mesure pressentie, sinon concertée entre eux avant l’arrivée de T. Louverture[1].

J. Raymond, à qui Pascal redisait sans cesse qu’il était le premier homme du siècle[2]à cause des nombreux écrits qu’il avait publiés en Europe et de la position qu’il avait alors ; qui ne pouvait qu’être mécontent du rôle passif qu’il jouait effectivement, puisque Sonthonax s’était emparé de toute la direction des affaires, de toute l’autorité de l’agence ; J. Raymond n’était pas fâché de rester seul commissaire du gouvernement français, dans la partie de la colonie où il exerçait ses fonctions. Il avait d’autres motifs pour donner son consentement au départ de son collègue : ceux-ci tenaient à la position délabrée de sa fortune. Le système de fermage des grandes exploitations rurales auquel il contribua particulièrement, avait mis en ses mains une trentaine de sucreries dont les propriétaires étaient émigrés ; en restant d’accord avec T. Louverture, il était assuré de profiter des revenus de ces biens.

Quant à Pascal, qui devint ensuite le secrétaire général de T. Louverture, il s’était attaché à lui en devinant l’avenir qui lui était réservé, surtout lors de sa promotion au généralat en chef : il avait compris que l’ambition de T. Louverture parviendrait tôt ou tard à absorber toute l’au-

  1. J. Raymond avoue qu’il chargea le colon émigré Salnave, de paroles pour être dites à T. Louverture contre Sonthonax, et que Moïse vint lui annoncer la prochaine arrivée de son oncle au Cap.
  2. Nous puisons ce trait satyrique dans l’écrit cité de Gatereau qui peint par ce seul mot la nullité dont J. Raymond fit preuve durant sa mission.