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Sonthonax ; mais on ne connaît pas encore tout ce que cet agent de la France a fait à Saint-Domingue, pour encourir sa déportation, effectuée d’ailleurs dans les formes les plus douces et les plus habiles en même temps. Il faut donc dire ce qu’il fit, ce qu’il voulait faire encore, exposer la situation qu’il s’était faite à lui-même et à la colonie, pour pouvoir apprécier et juger le fait reproché à T. Louverture. Il faut examiner si ce dernier pouvait raisonnablement continuer à supporter cette situation tendue ; s’il n’était pas de son devoir de la faire cesser par la résolution qu’il a prise.

Quoiqu’il eût été au service de l’Espagne, il n’avait pas ignoré de quelle manière Sonthonax avait exercé son pouvoir de commissaire civil dans le Nord et dans l’Ouest, pendant sa première mission. Depuis que cet agent était revenu dans la colonie, T. Louverture avait été à même d’observer cette politique inquiète, ces procédés despotiques qui le caractérisaient et qui lui firent prendre la haute direction de toutes les mesures arrêtées par l’agence. Pour un homme qui réunissait tant de tact à une ambition si grande, rien n’était perdu. Il s’était attaché à complaire à toutes les vues de Sonthonax, dans l’intérêt de cette ambition, soit qu’elles fussent le but du gouvernement français, soit qu’elles fussent le résultat des passions personnelles de cet agent. T. Louverture voulant parvenir à une position supérieure à celle de tous les autres généraux, avait su mettre à profit toutes ses dispositions à l’y élever : il avait été nommé général de division, et enfin général en chef de l’armée.

Mais en même temps, il avait observé comment Sonthonax avait agi à l’égard de Villatte, de Pinchinat et de Rigaud ; comment Giraud avait été dégoûté des choses qui se