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vive discussion avec Sonthonax, à cause des égards qu’il avait eus pour le prisonnier, et que ce capitaine était mort presque subitement, après avoir dîné avec l’agence : ce qui occasionna une sorte de révolte de la part de l’équipage de la frégate, qui soupçonna qu’il avait été empoisonné dans le dîner. Nous lisons de plus dans le même écrit, que le vieux général Pierrot étant mort peu après Thomas, on avait encore attribué cet événement au poison qu’il aurait reçu, après avoir refusé à Sonthonax de sévir avec rigueur contre les mulâtres du Cap. Gatereau ajoute encore que T. Louverture, quand il venait au Cap, se gardait de boire et de manger chez Sonthonax.

Gatereau, marié à une femme de couleur, a beaucoup écrit en faveur de cette classe dont nous faisons partie. Mais, nous ne nous aveuglons pas au point d’accueillir toutes les imputations faites contre les hommes qui se sont montrés le plus injustes envers cette classe. Sonthonax aussi était marié à une femme de couleur. Mais, en 1792, il avait déporté Gatereau avec d’Esparbès : de là, sans nul doute, le ressentiment, la rancune, la haine même de Gatereau pour lui. Indépendamment de cette considération, ne peut-on pas induire de choses toutes naturelles, que Thomas, Européen, a pu mourir par l’effet de notre climat destructeur, après un repas trop copieux ? Que le général Pierrot, d’un âge avancé, a pu, a dû mourir aussi facilement ? Et quant à T. Louverture, son caractère soupçonneux et méfiant a pu seul le porter à s’abstenir de toutes boissons, de tous alimens chez Sonthonax.

Quoiqu’il en soit, on voit dans ces faits, dans ces bruits préexistans, la cause des soupçons injustes de Leblanc contre Sonthonax. Trop emporté, trop violent dans ses passions politiques, il ressentit d’autant plus vivement