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retiré volontairement en France. Sa résolution parait avoir ébranlé la fermeté de Leblanc qui, dans l’agence, était celui qui résistait le plus à Sonthonax.

Il paraît encore qu’après la mission de la délégation et de Desfourneaux, qui produisit de si funestes résultats aux Cayes, cette disposition d’esprit en Leblanc s’accrut au point, qu’après avoir signé, comme président de l’agence, la proclamation du 23 frimaire, sa conscience vint en aide à son esprit pour ne lui faire entrevoir que malheurs et que désastres dans la colonie. Il s’aperçut alors que Sonthonax, quoi qu’il eût dit lors de sa motion, avait pris la chose au sérieux et se croyait seul appelé à gouverner Saint-Domingue.

En ce moment-là, l’agence allait expédier en France la frégate la Sémillante, pour porter au Directoire exécutif ses dépêches du 26 décembre 1796 et 5 janvier 1797, par lesquelles elle lui transmettait toutes les pièces relatives à la mission de la délégation et sa propre proclamation. Leblanc, malade d’ailleurs, prit donc le parti d’abandonner l’agence et de se rendre en France, de même que Giraud. Il le fit avec éclat, après une altercation avec Sonthonax ; et avant le jour fixé pour le départ de la frégate, il se rendit à son bord : elle était mouillée au Port-Français, près du Cap. Mais là, il se croit empoisonné : par qui ? Ses soupçons se dirigèrent contre Sonthonax à qui le rapport en fut fait.

Pourquoi ces soupçons d’une perfidie aussi atroce ? Historien, voulant ici défendre Sonthonax contre une telle monstruosité, nous devons en rechercher la cause.

Nous lisons, en effet, dans l’écrit de Gatereau déjà cité, que le bruit avait couru au Cap, que Thomas, capitaine de la frégate la Méduse où s’embarqua Villalte, eut une