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couleur ; car Rigaud était leur personnification militaire et Pinchinat leur personnification politique[1].

Et le Directoire exécutif en fut tout aise : sa politique triomphait ! Ayant reçu tous les rapports de ses agens et les documens à l’appui, il adressa au corps législatif un message, le 3 floréal an v (22 avril 1797), pour lui recommander de rendre un acte d’amnistie, à l’occasion des troubles de fructidor. Il y disait :

« Doit-on y comprendre ceux qui, pour se conserver une autorité qu’ils avaient usurpée, pour se soustraire à l’autorité du gouvernement, ont trempé de sang-froid leurs mains dans le sang de leurs concitoyens ; qui, comme Pinchinat, les deux Rigaud, Lefranc, Duval Monville et Salomon, ont été les artisans des fléaux qui viennent de désoler le Sud de Saint-Domingue, et ont commis ces atrocités depuis la notification de la constitution de l’an iii ? Ah ! sans doute, le souvenir de leurs crimes ne leur permettrait pas de croire à la possibilité du pardon, et leur doute, sur la sincérité du législateur, nuirait à l’efficacité de la loi. Il paraîtrait donc plus politique [2] de désigner ces êtres malveillans ; et en leur laissant la possibilité d’aller cacher leur honte et leurs remords sur une terre étrangère, de mettre en garde contre leurs perfidies et leurs manœuvres, tous ceux qui seront appelés à jouir des bienfaits de l’amnistie. »

Nouvelle inconséquence de la part du Directoire exécutif ; car il ne prit aucune mesure pour ôter le commande-

  1. Dans une note précédente, nous avons dit que Sonthonax se rapprocha de Pinchinat. À la fin de 1799, nous le verrons rendre justice aux sentimens et aux services de Rigaud.
  2. Pauvre Directoire exécutif : sa politique n’a pas moins été qualifiée d’imbécile par un écrivain français (M. Lepelletier de Saint-Rémy, t. 1er, p. 278.)